Toute discussion, toute négociation porte en elle sa part de compétition et sa part de coopération. Ne tombez pas dans le piège de la dichotomie, la croyance erronée que soit il faut se battre ou plier, soit il faut coopérer.
Même lorsque les intérêts des négociateurs paraissent, à priori, s’opposer diamétralement (une transaction financière sur la vente d’un bien par ex), une certaine dose de coopération est nécessaire entre les parties pour qu’un accord puisse être dégagé. A l’inverse, les contextes les plus collaboratifs (la mise sur pied d’un projet commun par ex) ne sont jamais exempts de moments de revendications propres aux situations compétitives. Pour les auteurs contemporains, les métaphores de la négociation liées au jeu, à la guerre ou au combat ne sont plus pertinentes. La vision de la négociation qui prime actuellement est celle d’une danse où compétition et coopération ont chacune leur place parce que les mouvements des négociateurs « peuvent tout aussi bien être animés et conflictuels que doux et harmonieux » (Mark Young et Erik Schlie).
Reste que la tension entre nécessité de coopération et volonté d’aboutir à une solution qui serve au plus près nos intérêts personnels est ce qui rend beaucoup de négociations particulièrement difficiles. Le problème est d’autant plus aigu que, bien souvent, les négociateurs ne perçoivent pas directement les opportunités de coopération qui s’offrent à eux. Ou, pour le dire autrement, les négociateurs tendent à penser, à tort, que négociation rime de facto avec compétition et que tout gain engrangé par une partie entraîne une perte plus ou moins équivalente chez la partie adverse.
On distingue deux grands types de négociation. D’une part, on parle de négociation distributive (ou sur position) lorsque la situation est marquée par un haut degré de compétition et de revendication. L’utilisation de ce type de stratégie s’observe notamment quand les intérêts des parties s’opposent de façon radicale. D’autre part, la négociation intégrative (ou raisonnée) est, elle, marquée plus directement par des comportements coopératifs. Les négociations intégratives sont généralement utilisées lorsque les parties poursuivent un but commun, que leurs intérêts sont convergents ou complémentaires. Si distinguer entre ces deux schémas est sans aucun doute nécessaire et utile, reste que négociation distributive et intégrative ne représentent que les deux pôles théoriques d’un seul et même continuum. Dans la grande majorité des cas, les situations particulières de négociation que nous rencontrons ne sont ni complètement compétitives ni entièrement coopératives et ce, même si un type de comportement tend toujours à prédominer sur l’autre.
Négociation distributive
Les négociations distributives se produisent généralement lorsque les parties perçoivent leurs intérêts comme mutuellement exclusifs. Cela signifie que les négociateurs pensent qu’ils ne peuvent atteindre leurs objectifs simultanément et que tout gain engrangé par l’un est accompagné par une perte équivalente chez l’adversaire. Les comportements émis dans ce type de situation tournent autour de la revendication, de l’affrontement et de la compétition.
Négociation intégrative
En négociation intégrative, les négociateurs estiment que le gain accumulé ne se fait pas nécessairement au détriment de l’adversaire. Il existe ici une possibilité de gagner ensemble, d’atteindre ensemble les objectifs et intérêts poursuivis par chacune des parties. Pour arriver à dégager un accord optimal (qui serve les intérêts collectifs plutôt que personnels), les parties cherchent à se faire mutuellement confiance, à partager un maximum d’informations et à coopérer plutôt qu’à vaincre.
Puisque tant la compétition que la coopération sont envisageables en négociation, comment savoir laquelle de ces deux stratégies il convient d’appliquer dans une situation particulière ? Le dilemme est cornélien. En effet, dans beaucoup de contextes, le choix compétitif correspond au comportement le plus rationnel : répondre par la compétition à un adversaire compétitif permet de réduire les pertes alors que déployer de la compétition face à un adversaire coopératif est de nature à accroître nos gains personnels. Sur le long terme, néanmoins, la stratégie des choix compétitifs n’est rentable pour aucun des deux partenaires. Dans beaucoup de situations sociales, la coopération mutuelle produit de meilleurs résultats que la compétition mutuelle.
Pour savoir agir, il convient donc d’analyser le contexte sous toutes ses facettes : comprendre si les intérêts poursuivis par chacun sont mutuellement exclusifs ou non ; identifier la stratégie utilisée par le partenaire de discussion (rien n’est pire que de coopérer avec un partenaire compétitif) ; et envisager les différentes conséquences de nos comportements sur le court (gain personnel) et le long (implication sur la relation) terme.
Pour aller plus loin : Psychologie de la négociation, S. Demoulin, Ed Mardaga 2014
Article co-élaboré avec Stéphanie Demoulin et
publié dans L’Echo le 02/10/2014
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