Régulièrement, nous nous trouvons dans des situations où une ou plusieurs parties en conflit préfèrent recourir à l’affrontement, directement ou via un tiers, alors même qu’il nous apparaît que la gestion du différend serait plus efficace si les parties avaient recours à la négociation. Comment réagir?
Rappel de ce qu’est la négociation?
La négociation est une discussion entre deux ou plusieurs entités interdépendantes dont le but apparent est de résoudre une divergence d’intérêt perçue. Pour qu’il y ait négociation, il faut que les parties prenantes soient inscrites dans un système d’interdépendance au sein duquel elles perçoivent une divergence d’intérêts. En d’autre mots, il faut que les objectifs des parties soient reliés entre eux et que les parties aient besoin les unes des autres pour satisfaire leurs besoins.
Les parties en divergence optent pour la négociation sous deux conditions : lorsqu’elles sont convaincues qu’en discutant, elles seront à même d’obtenir plus ou mieux qu’en ne discutant pas ; et lorsqu’elle perçoivent la discussion comme un moyen d’éviter des conséquences néfastes. Les alternatives à la discussion, à la négociation sont le recours à un tiers, arbitre ou juge, ou encore des solutions plus violentes : guerre, combat, terrorisme, etc.
Quand négocier ?
Si, comme partie au conflit ou observateur extérieur, nous sommes convaincus que les parties en conflit auraient tout à gagner à négocier plutôt qu’à s’étriper, une telle conviction restera lettre morte tant que toutes les parties, elles-mêmes, n’aboutissent pas à la même conclusion. Ce moment de prise de conscience par les parties que la discussion est potentiellement plus profitable que les autres modes de gestion de conflit est qualifié de : maturité du conflit (conflict’s ripeness).
La maturité du conflit
Le conflit est défini comme « mûr » et devient négociable lorsque les parties se perçoivent coincées dans une situation dans laquelle personne ne semble pouvoir sortir vainqueur et qui cause des dommages considérables de tous les côtés de l’interaction. Face à une telle impasse, les parties cherchent alors à mettre en place d’autres stratégies de gestion du conflit pour sortir de la crise et sont prêtes à envisager la discussion de leurs divergences.
Etre capable d’identifier le moment de maturité du conflit est essentiel. Engager des discussions sur un conflit immature risque d’aggraver le blocage et d’enraciner les parties sur leurs positions divergentes. A contrario, réagir avec retard, risque de nous faire passer à côté de la seule opportunité de résolution optimale de la divergence.
Maturité = efficacité?
Même lorsqu’un conflit est mûr pour être traité au travers de la négociation, cela ne signifie pas pour autant que la discussion aboutira à la résolution de la divergence. Cela ne signifie pas non plus que, si on accord est conclu, il représente la solution la plus optimale qui maximise les gains de toutes les parties tout en minimisant leurs pertes mutuelle.
Cela étant, identifier la maturité du conflit, nous assure, à minima, d’entamer les discussions à un moment où les parties sont prêtes à faire des concessions et à entendre (sinon à écouter) les arguments de leurs interlocuteurs.
Le nécessaire pour négocier?
Rappelons que même s’il existe des incontournables, négocier efficacement, c’est être motivé et capable d’analyser objectivement une situation, tenir compte de la structure ainsi que du contexte de discussion et faire preuve de flexibilité.
Le négociateur doit tenter de disposer d’un maximum d’informations sur lui-même mais également sur la partie adverse : comprendre ce qui motive et joue sur la satisfaction, la palette des sujets de discussion, les points d’aspiration et de réserve, les alternatives ou la MEilleure SOlution de REchange (MESORE ou BATNA), … Nous ne pouvons nous faire une opinion en la matière qu’en analysant le contexte ainsi que les motivations de chaque partie tant en termes économiques ou financiers, relationnels, d’images individuelles ou encore, de processus.
Amener l’autre à négocier?
Ces informations nous sont utiles notamment pour négocier la négociation, amener l’autre partie à négocier. Outre le fait qu’en certaines circonstances, elles nous permettront d’aller chercher l’appui d’autres personnes impliquées, elles nous donnent une idée de ce que pourrait apporter la négociation à chacune des parties ou, à l’opposé, de ce que coutera l’absence de négociation.
Poser les bonnes questions nous permettra d’amener l’interlocuteur à réfléchir – pas à fléchir – sur les avantages et inconvénients de la négociation. Mieux encore, il importe de lui faire prendre conscience des conséquences et du coût de l’absence de négociation ou d’une mauvaise négociation.
« A valeur égale, la peur de perdre est un facteur de motivation supérieure à la perspective de gagner »(R. Dobelli)
Quels risques êtes-vous prêts à prendre ? Qu’êtes-vous prêt à perdre ?
Pour aller plus loin : Psychologie de la négociation, S. Demoulin, Ed Mardaga 2014
Article co-élaboré avec Stéphanie Demoulin et
publié dans L’Echo le 03/03/2015
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