Les relations sociales telles qu’elles sont organisées en Belgique ont pour objectif la prévention des conflits ainsi que la synergie entre les attentes de l’entreprise et de son personnel. Elles visent à permettre aux acteurs concernés de rechercher et trouver ensemble des solutions qui conviennent aux parties, des solutions adaptées aux réalités du contexte spécifique de l’entreprise. La législation offre un cadre relativement contraignant qui ne règle pas tout, qui n’est en tous cas pas garant de la qualité du dialogue social qui dépend essentiellement du comportement des acteurs. Parmi ceux-ci, l’employeur a une influence prépondérante parce qu’il est « le maître » du jeu d’un certain nombre d’aspects qui ont un impact sur la culture d’entreprise parmi lesquels : les valeurs de l’organisation, sa stratégie, sa politique en matière de GRH, de communication, le rôle et comportements attendus de la hiérarchie, etc.
Certains critiquent notre système de concertation sociale et déclarent qu’il est plus générateur d’effets négatifs que positifs. Quelques incidents marquants, relayés largement par la presse, confortent ces détracteurs du système et laissent à penser à ceux qui ne le pratiquent pas, ou mal, qu’effectivement, il faudrait en changer. Par ailleurs, les médias relayent peu, voire pas du tout, les situations où le système de concertation sociale a été efficace, a réellement activement fonctionné dans l’intérêt de toutes les parties, ce qui conforte cette vision pessimiste du système.
Et pourtant …
Il existe des exemples tel que celui du site de Volkswagen puis d’Audi à Forest. Il y a moins de dix ans, en 2006, l’annonce de la fermeture par Volkswagen a donné lieu à des actions syndicales à répétition et musclées, des rapports tendus, durs, entre les parties, empreints de méfiance, où les positions étaient figées. Aujourd’hui, Audi occupe à cet endroit 2600 personnes pour une production de 115.377 Audi A1 en 2014. L’entreprise est en croissance et rentable.
Cette évolution est la conséquence d’une volonté de la direction d’aller dans ce sens et s’est faite petit à petit, via plusieurs initiatives au niveau de la direction, de l’encadrement, des représentants du personnel et du personnel. D’une part la direction de l’entreprise a été attentive à assumer pleinement ses prérogatives en termes notamment de communication interne et externe, d’intérêt pour son personnel ainsi que pour ses représentants et elle a veillé à ce que la ligne hiérarchique agisse dans le même sens. Elle a agit avec congruence, dire ce qui se fait et faire ce qui est dit. D’autre part, les représentants du personnel ont été incorporés dans les processus de décisions, ils ont été associés de manière formelle ou informelle aux discussions et aux décisions.
Cela s’est traduit concrètement, par exemple, par le souci et des évolutions en termes d’ergonomie des postes de travail, par des assemblées du personnel deux fois par an au cours desquelles la direction fait le point sur la situation de l’entreprise et ses perspectives, par une enquête annuelle d’opinion auprès de chaque membre du personnel, par la mise à disposition d’un centre de santé sur le site où chaque membre du personnel, à sa demande, peut passer gratuitement un checkup ou des tests médicaux, par des animations sportives, l’organisation de journées des familles, etc.
Au niveau des représentants du personnel, les réunions des organes sociaux sont bien entendu assurées et, en sus, des réunions informelles sont organisées avec des représentants désignés par leurs pairs qui peuvent porter sur le choix du menu du restaurant de l’entreprise mais également sur la productivité, l’amélioration des postes de travail, les partenariats avec l’enseignement et aussi, sur le devenir de l’entreprise ou pour discuter, débattre, préparer et décider de matières importantes qui seront validées dans les instances sociales ad hoc.
L’ensemble des mesures mises en œuvre ont eu un impact positif sur les relations sociales : un autre style de comportements – constructifs, productifs – lors des réunions qui sont préparées par les participants, une meilleure atmosphère, un respect réciproque des intervenants, une autre ouverture d’esprit de part et d’autre – sur les propositions des représentants du personnel et sur celles de la direction -, etc. Les parties proposent, s’écoutent, évaluent et mettent en œuvre ce qui est décidé. Ces évolutions permettent d’être efficace, de prendre ensemble de meilleures décisions.
Même si tout n’est pas toujours rose et s’il reste des choses à faire, l’entreprise est fière de ses représentants du personnel et il semble que l’inverse soit vrai aussi.
Tenant compte de l’évolution des résultats du site d’Audi à Forest, ceci est la démonstration concrète du fait qu’il est possible de convertir des relations sociales dégradées en relations sociales saines, constructives, animées par des partenaires et que ces dernières contribuent au succès de l’entreprise.
Article co-élaboré avec Erik Prieels, manager RH Audi Bruxelles,
et publié dans L’Echo le 04/06/2015
Le contenu de cet article est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.