Qu’est-ce que le changement en entreprise?
Le changement est permanent, il fait partie intégrante de la vie et aussi de la gestion d’une entreprise. On peut le répertorier sous trois grandes catégories : l’adaptation ou l’introduction de nouveaux processus, l’organisation ou encore, la culture d’entreprise.
Quelle que soit cette catégorie et que ce soit en phase de stagnation, croissance, décroissance, fusion ou acquisition, le changement est une réalité de tous les jours pour l’entreprise et ses manifestations peuvent être imperceptibles ou, à l’autre extrême, extrêmement brutales.
Quelle qu’en soit l’ampleur, l’adaptation permanente de l’entreprise à son environnement est une condition sine qua non de survie à court, moyen ou long terme.
Comment aborder les résistances au changement?
out changement engendre des résistances. Il y a lieu de les identifier et de les gérer.
Les résistances se résument à trois niveaux, je peux changer et je dispose des moyens, je veux changer et je vois mon intérêt personnel ainsi que celui de mes collègues dans la situation future et, je dois changer et je comprends qu’il n’y a pas d’alternative. L’identification des résistances, et aussi bien entendu des forces motrices au changement, est un élément essentiel à la gestion appropriée du changement.
Le simple fait de chercher à identifier de façon systématique – par enquête ou par simple écoute – ces forces et résistances diminuera déjà de façon considérable lesdites résistances. Ensuite, il s’agira de les gérer pour les convertir en forces motrices au changement.
Qu’est-ce qui explique les résistances au changement?
Les résistances au changement peuvent être considérables et émaner de la direction comme de la hiérarchie, de l’employé ou de l’ouvrier de base. Elles ont pour origine :
- l’aspiration naturelle de l’Homme à la stabilité ;
- la volonté de statu quo par aveuglement ou conservatisme ;
- une vision à court terme, locale et la défense d’intérêts immédiats ;
- la mise en cause de situations acquises et des avantages qui en découlent ;
- la peur générée par une série d’éléments qui peuvent créer un sentiment d’insécurité :
- a ou les périodes d’incertitude sur l’avenir individuel ou de la fonction occupée ;
- l’évolution des certitudes, habitudes, repères ;
- la nécessaire adaptation individuelle qui peut aller jusqu’au départ de l’entreprise.
Tous ces éléments alimentent l’opposition ou les freins au changement qui se traduisent en méfiance, réactions inappropriées, rumeurs, etc. Ce d’autant plus que, dans la mise en œuvre de l’évolution, d’éventuels dysfonctionnements, tâtonnements ou maladresses ne sont pas exclus.
Quelle est l’attitude des représentants du personnel face au changement?
Outre le fait que, comme leurs collègues de travail, ils peuvent être personnellement réticents au changement pour les mêmes raisons évoquées ci-avant, l’attitude des représentants du personnel dans ce contexte est extrêmement variable et fondamentalement conditionnée par l’intensité du changement, leur personnalité ainsi que la qualité des relations antérieures avec les représentants de l’entreprise.
Les syndicalistes vont animer la conflictualité, ce qui se traduira au minimum par informer les personnes concernées sur la situation et relayer leurs inquiétudes ou incompréhensions. Une formule intermédiaire consiste à canaliser les réactions spontanées du personnel. A l’extrême, ils vont initier des mouvements d’action pour sensibiliser la direction, voire l’opinion publique, à la prise en compte des intérêts des travailleurs dans le problème du moment mais également, la plupart du temps, dans d’autres difficultés qui jusque-là n’ont pas été traitées.
Enfin, le degré de combativité des représentants du personnel dans ce type de circonstances peut être exacerbé par l’impact du changement sur leur rôle ultérieur en tant que représentants du personnel ou en tant que structure organisée. Il n’est pas exclu qu’ils défendent leur position de pouvoir si elle est mise en cause.
Les partenaires sociaux sont ils préparés à la gestion du changement en entreprise?
En Belgique, le management – tout comme les représentants du personnel – n’est pas nécessairement conscient de l’impact humain d’un changement voire, il n’est pas formé pour gérer le changement de façon professionnelle. De fait, contrairement à ce qui se pratique dans les pays limitrophes, les universités belges n’ont pas de chaire en matière de changement.
Au niveau international, en matière de fusions et acquisitions notamment, les études démontrent que plus de la moitié de celles-ci ne sont pas une réussite ou n’apportent pas la plus value escomptée du fait, pour l’essentiel, de l’absence de gestion des aspects humains, voire d’un manque de gestion du changement.
Même hors de ce contexte spécifique, que ce soit au niveau du management ou au niveau des représentants du personnel, l’approche du changement se limite souvent à une gestion de projet confinée aux aspects matériels et ne prenant pas en compte les réactions émotionnelles, les résistances, les besoins de l’individu ou encore la culture de l’entreprise et ses besoins.
Enfin, souvent, les partenaires sociaux ne communiquent pas, ou peu, hors des instances où ont lieu les négociations. Si cela est particulièrement vrai dans le cadre d’une procédure dite « Renault » et lié à ses contraintes légales particulières, dans bon nombre de situations, le seul relai mis en place pour informer le personnel est celui des syndicats, par défaillance ou démission de la direction dans ce domaine.
Nos modèles de concertation sont-ils appropriés au changement?
Tout l’arsenal législatif ou règlementaire dans le domaine des relations sociales – par ailleurs négocié entre représentants syndicaux, patronaux et politiques – a pour objectif de promouvoir la consultation et la concertation, de prévenir les conflits sociaux ainsi que de créer une synergie entre les exigences de l’entreprise et celles de son personnel.
Or, la législation en la matière forme un cadre qui ne saurait répondre à toutes les situations spécifiques et, comme dans bien d’autres domaines, il ne suffit pas d’appliquer ces règles à la lettre pour en respecter l’esprit et bénéficier ainsi des effets positifs escomptés. Au-delà des aspects pragmatiques, on rencontre trop rarement des gestionnaires et des représentants du personnel qui s’interrogent sur ce qu’il conviendrait de faire pour que l’évolution à mettre en œuvre, la restructuration, la fusion ou l’acquisition soit un succès.
Enfin, ces réglementations se sont alourdies, complexifiées au fil du temps et notamment, la législation dite de la procédure Renault impose des comportements qui ne favorisent pas une saine politique de communication à l’égard des stakeholders.
Comment préparer le personnel, et ses représentants, à l’intégration optimale du changement?
En veillant de façon proactive, en permanence à entretenir des relations sociales saines, c’est-à-dire, en optimalisant constamment les domaines suivants :
- la place et le respect des personnes ;
- le système de gestion des ressources humaines ;
- les aspects relationnels ;
- l’exercice de l’autorité;
- les rôles, qualités, comportements de la hiérarchie et ceux des représentants du personnel ;
- la communication ;
- la mesure du climat social et la veille sociale ;
- des négociations sociales qui visent à atteindre des résultats win/win ;
- la confiance entre les interlocuteurs.
- Cette confiance, dont l’intensité résulte pour l’essentiel de la concrétisation des points précédents, met du temps à s’établir, est relativement fragile et nécessite une attention permanente.
Si elle n’atteint pas un certain niveau quand éclate une crise, il est vain de vouloir l’établir à ce moment-là et cette carence augmentera le risque d’échec, le temps, l’énergie ainsi que le coût d’un processus de restructuration.
Quelles sont les clefs de réussite d’un projet de gestion de changement?
La gestion optimale du changement s’articule autour de l’individu, de la culture de l’entreprise et de la communication.
L’identification de la culture et du climat – actuels et désirés – constitue la base de l’accompagnement adéquat d’un changement ou d’une transition. En effet, le choix du modèle d’évolution ne peut se faire qu’en fonction et dans le respect de la culture d’entreprise, qui – faisant elle-même partie intégrante de sa stratégie – sera alignée sur ses objectifs stratégiques. Ceci implique le respect des valeurs existantes, l’identification des freins et des leviers qui contribueront à la mise en œuvre du changement.
Dans tout processus de changement, l’individu et ses besoins doivent rester au centre de nos préoccupations. Il convient en premier lieu de l’approcher et lorsqu’il est convaincu, de travailler au niveau des besoins de l’équipe pour enfin terminer au niveau de l’organisation. Au niveau individuel, nous constatons qu’en situation de changement, toute personne traverse successivement les étapes psychologiques de rejet, de colère, de négociation, de dépression pour arriver enfin à une phase d’acceptation et d’intégration (cfr Kubler-Ross 1969).
Le patron qui annonce son intention de changement est souvent lui-même passé par ces différentes phases et, perdant de vue le fait que ses interlocuteurs n’ont pas eu le même tempo, il n’adapte pas toujours son discours au stade où ils se trouvent.
Il s’agit d’adopter la forme de communication appropriée à l’étape psychologique que vivent les individus et aux besoins des différents stakeholders : le personnel et parmi celui-ci, les personnes qui restent et celles qui éventuellement partent, les syndicats, les clients, les fournisseurs, les actionnaires. A tous ces niveaux le discours démontrera l’inadéquation de la situation existante, le besoin et désir d’aller vers l’état futur et la faisabilité de cette évolution (cfr formule de Beckhard 1987).
Conclusions?
Notre observation est que nombre de partenaires sociaux – patronaux ou syndicaux – ne traitent pas suffisamment les aspects humains du changement dans leurs négociations, ne mettent pas l’humain au centre de leurs préoccupations.
Ils ne sont pas préparés à gérer ces matières et nous pensons qu’une formation à la gestion du changement permettrait de faire la différence.
Au-delà des questions techniques d’une restructuration par exemple lors d’une procédure Renault ou encore, des questions liées à l’application de la CCT 32bis dans le contexte de décisions d’outsourcing, les aspects émotionnels, les vraies questions psychologiques du vécu de chacun, les résistances et les forces motrices du changement devraient être au centre du débat des partenaires sociaux. Tous y gagneraient.
Enfin un bon climat social, des relations sociales saines, constituent un atout pour gérer des dossiers difficiles, ainsi que le changement, de façon professionnelle. Ceci implique la volonté des deux parties de mettre les préoccupations du personnel concerné au centre du débat. Cette approche ne nécessite aucun changement de loi, il suffit d’un changement des mentalités !
Article co-élaboré avec Paul Groeninckx
et publié dans L’Echo les 06/05/2010 et 03/06/2010
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